mardi 6 avril 2010

agencement collectif



Le devenir deleuzien de la psychanalyse.

Les trois mondes décrits par Deleuze-Guattari (celui des Barbares, celui du Despote, celui du Capitalisme) sont à envisager selon un mode SYNCHRONE et non pas chronologique. Ils correspondent à trois surfaces d'inscription (Terre, Corps du Despote, Abstraction du Capital). Viennent s'y articuler trois types de synthèse : 1. de production (pulsionnelle), d'enregistrement (par le concept), et de consommation (retournement du sujet sur les deux autres synthèses pour en jouir ; à ce stade, on a affaire à un sujet larvaire). Ces trois synthèses se réalisent pleinement chez Warhol et Pollock. Le sujet larvaire aura à s'édifier via un plan de consistance et d'immanence. Comment se bricole -t-on un plan de consistance ? L'art offre une réponse.

Il y a lieu d'être attentif à la manière dont se négocie le molaire et le moléculaire dans un agencement. Le moléculaire opère par franchissement de seuil, et par approximation, et micro différences ; le moléculaire par opposition massive : bien/mal, M/F, beau/laid..
Faire droit au moléculaire, c'est aussi être attentif aux lignes de lumière qui imposent leurs conditions aux figures et au forme. Dans le plan d'immanence, sur la ligne moléculaire, on n'est pas en représentation, comme Oedipe sur sa scène (théatrale). Le plan moléculaire de la Joconde trace un jeu d'ellipses (sourire, regard) ; une approche molaire (herméneutique) cherchera plutôt à déchiffrer l'énigme (signification) du sourire de Mona Lisa.

Passer du sujet larvaire au Corps Sans Organe (CSO), requiert d'être en immanence, où le temps est le présent. Les manières de rater le plan d'immanence : se retrouver télé-commandé (paradigme du fascisme), chercher l'origine (le passé), chercher des raccourcis (drogues, compulsion sexuelle, obsession de l'orgasme à tout prix). L'art, le virtuel ont trait au réel ; l'art est une manière de se bricoler un plan d'immanence. Dans le plan d'immanence se situe le désir, non pas comme manque mais comme débordement : le désir coule dans un agencement. On ne désire pas un objet, une femme..mais un ensemble, le paysage enveloppé à l'intérieur d'une femme..Le désir, selon Deleuze-Guattari, est affaire de production non de représentation. Le désir est géopolitique, il nous fait délirer non pas une petite histoire de famille, mais des géographies, des races, des peuples, il est une construction cosmique en multiplicités. Désir (het verlang), est de sidera, ce qui provient des étoiles..le désir est agencement collectif d'énonciation.

Le désir n'est-il pas devenu un concept-molaire lui même, dans la mesure où sa polysémie en vient à en faire un écran qui barre la route au mouvement de la pensée plus qu'il ne l'ouvre ? Les concepts-molaires fonctionneraient comme des concepts-écran, des slogans, des images massives, indexés au discours médiatico-publicitaire, perdant leur statut d'outil d'analyse et de compréhension (?).
Néanmoins, chez D/G il y a lieu d'acter que le désir est du côté du réel, des processus a-signifiants. Chez Lacan, où la théorie du Signifiant domine le jeu (le je), il se pense et penche davantage du côté du symbolique. Toutefois, Lacan créa le concept d'objet a, ce dernier fait droit au réel en tant qu'il se situe à l'intersection RSI (réel, symbolique, imaginaire). Non objet du désir, situé devant le sujet, mais objet cause du désir, le sujet est "causé" par lui : l'objet ne vient donc pas complémenter un manque, mais le creuser davantage. L'analyse lacanienne opère un vidage de la jouissance, une destitution des idéaux indexés au signifiant-maître auquel le sujet s'était identifié. Le réel, chez Lacan, est le non significantisable, ce qui reste comme en excès, hors langage mais noué à lui, dès lors que l'objet a révèle (tel un révélateur photographique) sa valeur de semblant.
La prise lacanienne est logocentrique, trop sans doute pour épouser une approche de l'art qui requiert d'accorder la priorité aux devenirs-moléculaires. L'art est avant tout affaire de percepts, qui se signalent selon des fulgurances, issues de la rencontre entre deux éléments hétérogènes : "la bagarre d'Austerlitz" (mot-valise de M.Duchamp), d'une différence de potentiel entre deux termes, entre deux séries divergentes (devenir-cochon de Wim Delvoye), ou encore d'un déclenchement entre le réel et le virtuel (La fontaine de Duchamp).
La question de la temporalité est centrale dans la critique d'art. Le devenir s'inscrit dans le présent ; la chronologie est une composante académique et non critique. L'isochronie de la photographie dès le XIX (Muybridge) annonce la révolution cinématographique de l'image-temps (qui supplante l'image-mouvement) : dans Psycho, c'est le montage des plans qui découpe J.Leigh sous la douche, pas la lame du couteau ; image-temps qui est le temps indéfini de l'évènement : Aîon vs Chronos, temps du déroulement chronologique de l'image-mouvement. Le cinéma non plus comme narration qui épouse le schème sensori-moteur, mais comme outil d'exploration du réel, qui peut prendre les voies de l'exploration du cerveau comme chez Resnais ou chez Kubrick.

1 commentaire:

elsa a dit…

Bonjour,

Pouvez-vous m'expliquer ce que signifie un concept molaire ? J'ai rencontré ce mot en philosophie de la médecine (chez Nordenfelt les concepts illness / ill health seraient les contraires de "santé"). Je ne saisi vraiment pas ce que cela implique..

Merci d'avance