jeudi 1 avril 2010

déterritorialisation



Vers l'image-mouvement et l'image-temps : la machine cinéma

Si un sujet souffre et pense, on ne peut être sujet qu'au prix d'une capacité à se retourner : fonction de l'entre-deux, l'intermezzo.

La construction d'un sujet suppose des passages par les synthèses (de production, d'enregistrement, de consommation), qui permettent de se retourner, on peut alors approcher un sujet larvaire (bien illustré par les oeuvres d'un Delvoye, ou d'un Barbier, le devenir-animal de Kafka, les froufrous de Virginia Woolf..), qui se niche toujours dans une zone d'indiscernabilité. Tout le contraire du sujet centré du cogito cartésien ; il s'agit d'entrer dans un dessous moléculaire, d'explorer l'énergie du sensible en dessous des formes, chair de poule du corps féminin plutôt que représentation molaire de quelque symbole phallique. On en vient alors à une esthétique par singularité et non à un théorisme/terrorisme de la généralité.

Mais les trois moments de synthèse se produisent dans un devenir historique, où se tracent des lignes de fuite : la ligne de fuite négative se referme directement sur le molaire qui plombe la situation, la ligne de fuite relative nous ouvre au psychologique, sujet segmentarisé qui tend à s'abîmer dans des trous noirs. Enfin, la ligne absolument positive qui épouse la démarche créative.


Les trois temps où les machines désirantes moléculaires entre en contact historiquement avec le molaire : temps tribal (sauvage), temps de l'empire (empereur et barbare), temps civilisé (capitalisme). En critique d'art, face à un artiste chinois contemporain, une question intéressante est, par exemple, comment cet artiste va-t-il composé avec la machine impériale dont-il est issu et ce, tout en s'articulant au village global capitalistique ? Les trois temps correspondent à trois surfaces d'inscriptions : terre et peau, corps du despote, surface abstraite des codages, décodages et sur-codages.

Le sujet schizo n'est pas du côté de la représentation mais du corps sans organe (Bacon, Picasso) où "il marche sur son menton".
La représentation situe le sujet du côté molaire et névrotique : verrouillage de la situation en mettant de l'oedipe partout (solution de la psychanalyse) ou en mettant de la transcendance partout (solution du (retour du) religieux).

L'art est affaire de percepts, où s'agencent sensations, sentiments, et concepts, soustraits aux spontanéisme et aux opinions du sujet "expressif".


Le cinéma, dans son histoire, réalise cette transformation subjective. L'image-mouvement encourage encore une perception centrée, et donc appartient encore au sujet psychologique (impérialisme du signifiant-maître). A partir de 1945, tout bascule, s'élabore une image-temps, et le cinéma devient une machine non subjective ; l'image-temps active une forme de passivation du spectateur, un état de stupeur. Cette bascule se retrouve dans le cinéma d'Hitchcock : Jimmy Steward, la jambe dans le plâtre, en photographe voyeur dans Rear Windows, présentifie s'est arrêt du schème sensori-moteur caractéristique de l'image-mouvement. Oiseaux empaillés, meurtre de Janet Leigh sous la douche selon un montage-collage de quelque 45 plans, mère dadaïste de Norman Bates dans Psycho : l'image-temps subordonne le mouvement au temps. Cinéma fait de dispositifs visuels et sonores, qui font du spectateur un voyant, un entendant, où le sujet n'est plus le centre mais le halo. Ce dispositif traverse de part en part également le cinéma de Kubrick (l'ordinateur-robot de 2001 a Space Odyssey, l'hôtel hanté où erre Nicholson, l'écrivain schizophrène de Shining). L'artiste, qu'il soit cinéaste ou autre, ne crée pas pour un public pré-sélectionné, mais pour un peuple à venir, un peuple qui manque.

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